L'inconnu hâta le pas. La nuit arrivait, et il ne pouvait courir le risque d'être pris. Pas encore.
Devant lui, la route s'incurvait en direction du nord. Il sut alors qu'il approchait de Nibelnir, un modeste village de pêcheurs. Il y aurait sûrement une auberge. L'inconnu secoua la tête et chassa cette pensée : la rumeur de l'arrivée d'un Disciple se répandrait dans tout le village dès qu'il pousserait la porte de la taverne, et il Leur serait facile de le retrouver. Encore un risque qu'il ne pouvait se permettre de prendre.
L'obscurité l'entourait rapidement, et il hésitait encore sur la conduite à tenir. Il distingua alors, à quelques encablures de la route, la lueur provenant d'une habitation. Des paysans, probablement. Ils seraient pauvres. Parfait.
On frappa. Croyant Poussegrain ronchonna, mais se leva et se dirigea vers la porte. Il ne serait pas dit que lui, honnête homme et bon mari, laisserait quelqu'un sur le pas de sa porte à la tombée de la nuit. Il ouvrit en grand. L'autre en face devait être l'un de ses foutus mendiants, ou pire, se dit Croyant.
"J'ai pas d'aumône à t'donner, prévint-il, mais si tu aide dans l'coin, et c'est pas l'travail qui manque asteure, ça c'est sûr, tu pourras dormir et manger".
L'inconnu eu l'air surpris, puis éclata d'un rire joyeux. L'humeur de Croyant n'en fut guère améliorée.
"Vous vous méprennez, dit l'inconnu, je ne cherche ni le gîte ni le couvert, mais je voudrais vous demander... un service, en quelque sorte... vous confier une tâche..."
"Qu'est-c'qu's'est pour une diablerie. J'vous l'dis, vous feriez bien de déguerpir aussi vite qu'z'êtes arrivé, y a rien pour vous par icitte."
"Attendez, laissez moi vous expliquer... (il sembla qu'il hésitait sur la conduite à tenir, mais qu'il n'avait guère de choix dans le fond...le vieux Poussegrain avait un don sûr pour lire sur le visage des gens ce qu'ils ressentaient)... On me poursuit, se décida l'inconnu. On me traque... des hommes malfaisants qui en veulent à mon ordre. Je détiens un objet qu'ils désirent, qu'ils cherchent plus que tout au monde. Ils me poursuivront jusqu'au delà des Mers Infinies pour l'avoir"
"Seriez pas un des Disciples, par hasard ? "
L'inconnu plongea son regard dans celui du paysan, puis hocha la tête en soupirant.
Le vieux paysan sourit.
"Z'avez pas à vous faire du mourron asteure, z'êtes le bienvenu. Mon aîné, Envoyé-de-Dieu, est parti pour l'monastère de Walrhoi y pas deux ans, pour y recevoir son enseignement."
L'inconnu eut l'air si soulagé que Croyant ne put s'empêcher d'éclater de rire.
"Mais allons v'nez... vous m'expliquerez d'dans... 'pourrait vous voir d'la route."
La nuit était bien avancée, et le Disciple marchait d'un pas serein dans l'obscurité, libéré d'un fardeau : il avait trouvé à qui confier la Dernière Relique, et personne ne la trouverait là, il s'en était assuré, avant que deux-cent générations ne soient passées. Il s'adossa au pied d'un arbre et s'assoupit. Oui, il pouvait bien se permettre un somme. Il rêva qu'une vague plus haute qu'une montagne s'avançait sur les Terres.
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